La bouche au cœur du corps

Véronique SORIANO  Ethnologue
Anne-Sophie LHOPITAL
 
 
La bouche au cœur du corps : 
Magritte, quelques questions à un dentiste
 
 
 
Quels concepts, quels outils issus de la psychosociologie pourraient être utiles aux dentistes ? A partir du tableau de Magritte qui  déplace la bouche au centre du corps et la signale comme sexe, nous nous posons ensemble quelques questions.
 
Chaque question est  illustrée par un tableau et des cas issus de nos pratiques d’analyse et de dentiste.
 
1.Pourquoi écouter ? (tableau de Basquiat )
Le corps parle. Il montre par sa fatigue, par l’organe atteint ce qui le stresse ou le gêne. C’est important de regarder et d’écouter cette parole du corps. On dirait que si le corps est entendu comme parole, ça permet de guérir. . 
Quelques cas :Des paysannes insomniaques, La femme stressée, Le patient impuissant,       La dent saine chérie
Ecouter pour établir une relation interactive permettant au patient de coopérer à son traitement.
Au delà de l’approche globale du traitement, du soin, le dentiste aura une approche globale du patient en intégrant les facteurs psychosociologiques aux facteurs étiologiques.
 
2. Comment écouter ? (Tableau de Picasso avec un  cadre)
L’écoute a ses avantages et ses dangers, il lui faut un cadre ni trop large (ingérence) ni trop étroit (peur de l’autre). Le cadre peut aider à établir une relation efficace, professionnelle.
Le cadre c’est : Un lieu, Un temps limité et connu,  La confidentialité
Ce cadre a une efficacité symbolique. L’argent fait aussi partie du cadre.
Reconnaître l’importance du cadre et trouver la taille de son propre cadre.
La femme violée Les infirmières affectueuses
 
3. Comment aider le patient à faire des liens ? (Tableau de Picasso sur le miroir)
A côté des instruments courants de sa pratique odontologiste, le dentiste peut utiliser 3 instruments : Ecouter et Poser des questions ouvertes
Reformuler : il redit à son patient ce qu’il comprend de son problème et tend à son patient ce miroir. : Le praticien aide le patient à faire des liens entre ses difficultés dentaires et autres. Il n’impose pas sa propre interprétation ou solution
La reine des abeilles, La femme épuisée
 
4. Comment prendre en charge la douleur. (tableau rouge de Basquiat)
Deux concepts pour être capable de supporter la douleur (physique, psychique) de l’autre.
Les projections : Le patient peut projeter sur le dentiste tous ces bons ou mauvais « objets » qu’il porte en lui. Le dentiste peut aussi en faire autant…
Les savoirs phoriques :
Etre dentiste demande :
des savoirs intellectuels (connaissances apprises par les maîtres et les  livres), 
des savoirs mimétiques (gestes, postures appris dans les entraînements pratiques). 
Mais parce qu’il travaille avec du vivant, le dentiste met en jeu des savoirs phoriques qui sont au cœur de sa personnalité et peu sujet à des apprentissages C’est la capacité essentielle à porter et supporter  le désordre, la déficience, la souffrance, la douleur et l’angoisse d’autrui. Quoi faire ?  - Repérer ce mécanisme des projections
- Apprendre à mieux se connaître soi-même comme le recommandait déjà Socrate
- Parler dans un lieu protégé des cas difficiles d’interaction dans lequel le praticien s’est trouvé… Echanger entre praticiens et analyser nos pratiques et nos réactions : comprendre ensemble ce qui se passe dans cette interaction patient/praticien. Accumuler de l’expérience : « dis moi comment tu fais, je te dirai comment je fais»
 
Conclusion
Il ne s’agit pas de transformer le cabinet dentaire en cabinet de psy ni de faire du fauteuil un divan !  Nous avons voulu souligner certains aspects de la pratique d’un soignant engagé dans une interaction avec son patient. Ce n’est pas un mécanicien du vivant mais un praticien en relation avec une personne dont le corps, l’esprit mais aussi l’inconscient, sont engagés dans le soin. 
Si le praticien peut écouter ce que dit son patient il peut l’aider à coopérer à son traitement et en accroître l’efficacité. Il peut écouter les symptômes comme un langage. Il peut écouter aussi ce que dit le patient en langage clair et l’aider à faire des liens qui donnent du sens à ce qui lui arrive.
La parole, l’écoute du praticien, et pas seulement ses actes, peut être efficiente.
 
 
Formations Psychosomatique et Parodontie